Attentats du 13 novembre : Salah Abdeslam condamné à la perpétuité incompressible

Publié : 30 juin 2022 à 8h16 par Arnaud Laurenti

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Il s'agit de la peine la plus lourde du code pénal.

Crédit : Alouette | A. Laurenti

Plus de six ans après les attentats du 13-Novembre, le pire crime de l'après-guerre en France, la cour d'assises spéciale de Paris a condamné mercredi soir Salah Abdeslam, le seul membre encore en vie de commandos qui ont fait 130 morts, à la perpétuité incompressible, la peine la plus lourde du code pénal.


Les cinq magistrats professionnels ont suivi les réquisitions du ministère public, qui avait demandé cette sanction rarissime à l'encontre du seul accusé du box reconnu par la cour comme co-auteur des attaques de Paris et Saint-Denis qui ont "épouvanté et "sidéré" la France.


La perpétuité incompressible, également appelée "perpétuité réelle", rend infime la possibilité pour celui qui y est condamné d'obtenir une libération. Elle n'avait jusque-là été prononcée qu'à quatre reprises.


Salah Abdeslam, en polo kaki dans le box, est resté impassible à l'énoncé du verdict. Pendant la lecture du délibéré par le président Jean-Louis Périès, qui a duré moins d'une heure et dit d'un débit très rapide, il a gardé les bras croisés, le regard dur.


Ses avocats, Mes Olivia Ronen et Martin Vettes, avaient plaidé vendredi contre cette perpétuité incompressible, une "peine de mort lente".


Le Français de 32 ans, à l'isolement total en prison depuis plus de six ans, a affirmé à plusieurs reprises au cours des débats avoir "renoncé" à déclencher sa ceinture explosive le soir du 13 novembre 2015, par "humanité".


 


Gilet explosif "défectueux"


"Je ne suis pas un assassin, je ne suis pas un tueur", avait-il soutenu dans ses derniers mots à la cour lundi matin, réitérant ses excuses "sincères" aux victimes.


La cour a considéré que son gilet explosif était "défectueux", remettant "sérieusement en cause" les déclarations de l'intéressé sur son "renoncement".


Elle l'a reconnu coupable d'être "co-auteur" d'une scène unique de crime. Il est ainsi condamné à la perpétuité incompressible pour les seules tentatives de meurtres sur les policiers intervenus lors de l'assaut du Bataclan.


Dans la salle d'audience spécialement construite pour ce procès, et qui n'avait jamais connu une telle affluence, seuls des murmures ont accueilli la condamnation du principal accusé à cette peine extrêmement rare.


De nombreuses parties civiles, qui s'étaient serrées sur les bancs de bois clair, se sont étreintes après le verdict, rendu au terme de 148 jours d'audiences marquées par les quelque 400 dépositions de rescapés et proches de victimes.


D'autres avaient les larmes aux yeux.


"Le chemin face à cette horreur a été de se reconstruire en groupe, et pas individuellement. On avait besoin de se serrer les coudes et d'entendre ce que la justice avait à nous dire après six ans et demi", a réagi Arthur Dénouveaux, président de l'association de victimes Life for Paris et rescapé du Bataclan.


Les magistrats professionnels ont condamné les 19 coaccusés de Salah Abdeslam - dont six étaient jugés par défaut -, écartant la qualification terroriste pour un seul d'entre eux, Farid Kharkhach.


Il a été condamné à deux ans d'emprisonnement ferme pour une association de malfaiteurs en vue de commettre une escroquerie, et devait sortir de prison dans la nuit.


Les peines prononcées pour les autres vont de quatre ans dont un an ferme à la perpétuité.


 


"On tourne une page"


Le ministère public avait réclamé cinq condamnations à perpétuité à l'encontre de cinq des 14 accusés présents.


Outre Salah Abdeslam, la cour a condamné Mohamed Abrini à cette peine, assortie d'une période de sûreté de 22 ans. "L'homme au chapeau" des attaques de Bruxelles en mars 2016, qui était aussi "prévu" mais qui a renoncé à faire partie des commandos du 13-Novembre, a été reconnu complice des attentats.


Le Suédois Osama Krayem, le Tunisien Sofien Ayari et le Belgo-marocain Mohamed Bakkali ont également été reconnus complices, mais condamnés à trente ans de réclusion assortis d'une sûreté des deux tiers.


Le Pakistanais Muhammad Usman et l'Algérien Adel Haddadi, les deux "opérationnels contrariés" qui auraient dû faire partie des commandos selon l'accusation, mais qui ont été bloqués sur la route du retour de Syrie, ont écopé chacun de 18 ans de réclusion. Le Pnat avait demandé 20 ans à leur encontre.


Les peines prononcées à l'égard de ceux qui avaient apporté une aide ponctuelle à la cellule jihadiste sont globalement en-deçà des réquisitions.


Les trois accusés qui comparaissaient libres ont été condamnés à des peines d'emprisonnement assorties du sursis et ne retourneront pas en prison.


Ils affichaient sourires et soulagement, et ont été réconfortés par quelques parties civiles qui se sont spontanément approchées d'eux.


"On a la sensation après le verdict qu'on tourne une page. On a eu un long procès, ouvert toutes les portes. (Les juges) ont pris une décision qui était très motivée. Les peines prononcées ne sont pas excessives", a souligné Me Gérard Chemla, avocat de plus d'une centaine de parties civiles.


"On est à un moment satisfaisant pour tout le monde en tout cas pour la justice", a-t-il ajouté.


Les avocats de la défense, partagés entre ces condamnations jugées à la fois sévères mais aussi en-deçà des réquisitions du parquet, avaient dans leurs plaidoiries mis la cour en garde contre la tentation d'une "justice d'exception" guidée par l'émotion, plus de six ans après cette nuit de terreur au Stade de France, sur les terrasses de l'est parisien et au Bataclan.


Les cinq hauts cadres de l'Etat islamique présumés morts en Syrie et jugés par défaut, dont le commanditaire des attentats Oussama Atar, ont été condamnés à la perpétuité incompressible. Un sixième homme emprisonné en Turquie et également jugé en son absence a été condamné à trente ans de réclusion.


 


(avec AFP)