Balcon effondré d'Angers : l'heure du jugement pour les constructeurs

Publié : 31 mai 2022 à 7h38 par Arnaud Laurenti

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Le parquet avait requis des peines allant de 18 mois de prisons avec sursis à 4 ans de prison dont 2 ferle à l'encontre des prévenus.

Crédit : Archives

Des peines allant jusqu'à deux ans de prison ferme avaient été requises contre les cinq constructeurs : le tribunal correctionnel d'Angers rend son jugement mardi matin dans l'affaire du balcon effondré en 2016, qui avait provoqué la mort de quatre étudiants.


"Tout ce que j'espère, c'est que toutes les personnes ayant concouru à ce drame seront condamnées. C'est essentiel pour que les victimes se reconstruisent et apprennent à vivre avec ce drame", a confié à l'AFP Me Laurence Couvreux, avocate des parties civiles.


À l'issue de quatre semaines d'audience en février et mars, le procureur de la République d'Angers avait requis la peine la plus lourde, quatre ans de prison dont deux ferme, à l'encontre de l'architecte du bâtiment, Frédéric Rolland, 66 ans.


À la barre, ce dernier avait affirmé n'être "intervenu ni sur la conception, ni sur le dessin, ni allé sur le chantier" lors de la construction de l'immeuble en 1997-1998, ne reconnaissant qu'"une part" de responsabilité dans le drame.


À ses côtés sur le banc des prévenus, le patron de l'entreprise de construction, Patrick Bonnel, 72 ans, avait quant à lui reconnu une faute "grave" et "inexcusable", se disant "honteux" du travail de ses équipes.


Le procureur avait requis à son encontre trois ans d'emprisonnement, dont un an avec sursis.


"Les défaillances sont multiples, les responsabilités accumulées. À l'origine de ce dossier il y a la volonté de gagner du temps et de l'argent, quitte à faire fi de la sécurité. Il faut que tous les prévenus soient condamnés", a déclaré à l'AFP Me Marc Morin, conseil des parties civiles.


 


Fissure


Le soir du drame, ils étaient 18 étudiants, âgés d'une vingtaine d'années, à discuter sur un balcon de la résidence "Le Surcouf", dans le centre d'Angers, lorsque celui-ci avait soudain basculé dans le vide.


Dans les décombres, les pompiers avaient découvert les corps de Lou, 18 ans, Antoine, 21 ans, Benjamin, 23 ans, et Baptiste, 25 ans. Quatorze autres victimes avaient été hospitalisées.


Parmi les blessés, un ancien locataire de l'appartement avait écrit dans son état des lieux d'entrée, en février 2015 : "balcon fissuré et très instable : danger ???". Le balcon vibrait "lorsqu'on bougeait un peu trop dessus", avait-il expliqué lors de l'enquête.


Les enquêteurs avaient cependant écarté toute responsabilité des invités : les victimes, selon tous les témoignages, faisaient la fête calmement. Et le balcon aurait dû être en mesure de supporter 35 personnes.


Entendus lors du procès, les experts avaient listé toute une série de malfaçons dans la construction des balcons, allant jusqu'à évoquer une "forme de bricolage".


Les travaux avaient de plus été menés sans respecter les plans de l'ingénieur béton, conçus pour des balcons préfabriqués et non pour des balcons coulés sur place.


 


"Défaillances multiples"


Lors du procès, le conducteur des travaux, Éric Morand, 53 ans, avait expliqué que le mode de construction des balcons avait été modifié pour tenir les délais du chantier.


Trois ans de prison dont 18 mois avec sursis ont été requis à son encontre.


Pour le chef de chantier, Jean-Marcel Moreau, 63 ans, et le représentant du bureau de vérification Apave, André de Douvan, 84 ans, le procureur de la République avait requis 18 mois de prison avec sursis.


Au cours du procès, les victimes et leurs familles avaient longuement raconté cette soirée de cauchemar et les traumatismes qui s'en étaient suivis.


"Il y avait un cortège de brancards avec des ambulances, on se ruait sur chaque brancard pour savoir si c'était notre enfant", avait raconté le père d'Antoine, mort à 21 ans.


"Il y a eu un bruit horrible, saccadé (...) Je suis resté collé au balcon, j'ai perdu conscience puis j'ai regardé mon corps, j'avais les mains ensanglantées. Il y avait des cris, des pleurs, c'était comme une scène de guerre", se souvenait Hugo. "On était encore des enfants, ça nous a détruits."


 


(avec AFP)