Le ministre de la Justice demande le retrait des fonctions du procureur de la République de Limoges après des propos sexistes

12 mars 2024 à 23h15 par Thierry Matonnat avec AFP

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Le Garde des Sceaux suit l’avis du Conseil de la Magistrature rendu cet après-midi : "le procureur de la République de Limoges, accusé de propos à connotation sexuelle envers des collaboratrices, doit quitter ses fonctions et être muté d'office". Le CSM qui dénonce des comportements "outrageants ou dégradants".

Crédit : Alouette | Thierry Matonnat

Conformément à la pratique, le Garde des Sceaux, a suivi l’avis du Conseil Supérieur de la Magistrature rendu cet après-midi et applique les sanctions proposées en demandant le retrait des fonctions de procureur de la République assorti d’un déplacement d’office de Baptiste Porcher.


La Chancellerie précise que "Cet avis vient rappeler que les propos et comportements inappropriés et à caractère sexiste au sein des juridictions sont inadmissibles et ne sauraient rester sans réponse," selon l'AFP.


La dernière décision similaire proposée par le CSM, mais pour un motif différent ("manquements"), avait été prononcée en juin 2022 contre le procureur de la République d'Albi de l'époque, a-t-on précisé de source judiciaire.


A la tête du parquet de Limoges depuis 2020, Baptiste Porcher avait comparu début février devant le CSM.


Dans sa décision, ce dernier cite notamment des "comportements et des propos à connotation sexuelle outrageants ou dégradants" à une juriste assistante, des assistantes de justice ou des magistrates placées sous son autorité.


Selon plusieurs médias qui ont assisté à l'audience le mois dernier, il était notamment reproché à M. Porcher d'avoir rajouté un suffixe à un nom propre pour former le mot "fellation", ou bien des remarques graveleuses, comme à cette collaboratrice invitée à apprendre le maniement des armes à feu: "Je ne sais pas si elle aurait envie de tirer un coup avec son procureur !"


"En tenant de tels propos dégradants et vulgaires (...), le magistrat a manqué à ses devoirs de son état de chef de juridiction auquel incombe un devoir particulier d'exemplarité et a porté atteinte à la confiance et au respect que la fonction de magistrat doit inspirer", peut-on lire dans la décision du CSM.


Selon le Conseil supérieur, "ces attitudes et propos ont démontré une incapacité à adopter les comportements et à respecter les limites qui s'imposent dans le cadre de relations professionnelles".


Un changement d'époque


"Cette décision reflète un mouvement qui touche toutes les sphères de la société, y compris le monde de la magistrature. On ose mettre en cause la responsabilité des managers. C'est un changement d'époque où tout le monde rend des comptes, même les chefs", a commenté pour l'AFP un observateur des procédures disciplinaires du CSM qui a souhaité garder l'anonymat.


"Sans aller jusqu'à dire que c'est un #metoo de la magistrature, des comportements graveleux dans un cadre professionnel, qui à une époque passaient, ne passent plus aujourd'hui. Et une certaine génération n'a pas encore intégré ces changements-là", estime cette source.


Le CSM balaye ainsi dans sa décision "l'argument de l'usage d'un supposé humour pour fédérer le parquet mis en avant par le procureur de la République pour se justifier".


A l'audience Baptiste Porcher, cité par le magazine L'Obs, avait évoqué "un humour noir, voire grivois", tout en se défendant de faire "des blagues misogynes". "Quand on est à la permanence (d'un parquet), on a l'horreur tous les jours. C'est une façon de prendre de la distance", avait-il plaidé.


Une sanction disproportionnée


Mardi, son avocat Me Olivier Morice a estimé auprès de l'AFP que la demande de sanction prononcée à son égard était "totalement en décalage avec les faits qui lui sont reprochés".


"Je pense qu'il s'agit d'une sanction disproportionnée, et ce d'autant que depuis que M. Porcher est passé devant le Conseil supérieur de la magistrature, il bénéficie d'un soutien extrêmement important de différents magistrats et membres du tribunal judiciaire de Limoges qui le soutiennent", selon lui.


Il affirme se réserver le droit de faire un recours devant le Conseil d'Etat.


"L'ampleur, la récurrence et le caractère durable des manquements constatés rendent impossibles la poursuite de l'activité de procureur de la République ainsi que toute activité sur le ressort du tribunal judiciaire" de Limoges, affirme le CSM.