Six ans après le drame du "car de Rochefort", le jugement attendu ce jeudi

Publié : 5 mai 2022 à 8h27 par Arnaud Laurenti

InfosLes infos

Le parquet avait requis 5 ans d'emprisonnement assortie d'un sursis de 3 ans à l'encontre du conducteur du camion-benne qui avait cisaillé le car scolaire par le milieu.

Crédit : Capture écran | Twitter | Police Nationale | Archives

Le chauffeur d'un camion-benne dont l'oubli tragique avait provoqué la mort de six adolescents, le 11 février 2016 à Rochefort, en Charente-Maritime, dans une collision avec leur bus de transport scolaire, va connaître son jugement ce jeudi devant le tribunal correctionnel de La Rochelle.


Le 29 mars, au dernier jour de ce procès pour "homicides et blessures involontaires" où l'émotion a envahi les deux côtés de la barre, le parquet avait requis à l'encontre du prévenu, Mathieu Saurel, aujourd'hui âgé de 29 ans, une peine de 5 ans d'emprisonnement assortie d'un sursis de 3 ans.


 


Un seul mis en cause


Au petit matin du 11 février 2016, il conduisait le camion-benne dont la ridelle gauche oubliée en position ouverte avait littéralement cisaillé dans toute sa longueur le car scolaire arrivant en sens inverse, tuant six passagers de 15 à 18 ans et en blessant grièvement deux autres.


À l'horizontale, cette ridelle, lourde paroi métallique amovible qui maintient le chargement, s'était comme transformée en lame géante sur la route, laissant après son passage, des corps sous des amas de tôles broyées, pour certains décapités. "Une vision d'horreur" racontera un témoin.


Dans ce drame, l'un des plus graves accidents de transport d'enfants en France depuis celui de Beaune en 1982 (53 morts dont 44 enfants), la seule "erreur humaine" du conducteur du camion est en cause, avait souligné le ministère public qui a réclamé la sanction maximale, assortie d'un sursis, permettant au prévenu d'éviter l'incarcération.


"Il est le responsable d'un accident gravissime, il n'est pas meurtrier", avait insisté le procureur Clément Incerti, en demandant au tribunal de tenir compte de la personnalité du prévenu, un garçon "sain", décrit comme bon professionnel de la société de BTP Eiffage.


"Nous sommes au royaume de l'injuste, on juge un délit involontaire, plus dure est la tâche de juger celui qui nous ressemble", avait plaidé son défenseur Me Thierry Sagardoytho avant d'appeler le tribunal à "la nuance".


 


"Maudite ridelle"


Derrière un homme rongé par le remords, une quarantaine de parties civiles, jeunes rescapés et parents de victimes traumatisés, attendaient ce procès depuis six ans. Dans une salle comble, les 28 et 29 mars, ils ont livré le récit de leurs vies "détruites" depuis le choc improbable. "Notre vie s'est scindée en deux, il y a notre vie avant l'accident et notre vie après. On est dans la survie", a témoigné Mathieu Coupeau qui a perdu son frère Bastien.


À la barre, le conducteur du camion, en larmes du début à la fin du procès, s'est dit incapable de se souvenir s'il avait remonté cette "maudite ridelle", avant d'admettre l'évidence, confronté aux témoignages et expertises. Diagnostiqué en stress post-traumatique et sous lourd traitement anti-dépresseur, il a exprimé ses "profonds regrets". "Cette affaire me hantera toute ma vie comme les autres ici", a-t-il dit.


Le jeune homme a comparu seul, en l'absence de son ex-employeur Eiffage qui a bénéficié d'un non-lieu, la justice estimant qu'aucune "défaillance mécanique" du camion-benne et "aucun manquement" aux règles de sécurité ne pouvaient lui être reprochés.


À l'époque, aucune norme n'imposait aux camions-bennes d'être équipés d'alarmes sonore et visuelle qui auraient prévenu le conducteur. La législation a depuis été renforcée en 2020.


 


(avec AFP)