Armel Tripon : "un bateau qui va pouvoir lier compétition et performance écologique"

Publié : 22 mars 2022 à 11h38 par Alexandrine Douet

InfosLes infos

Objectif Vendée Globe 2024 : le skipper nantais a dévoilé récemment son nouveau projet.

Le skipper nantais Armel Tripon
Le skipper nantais Armel Tripon
Crédit : Pierre Bouras

Armel Tripon lancera en juin prochain la construction de son nouveau bateau sous la bannière de l’association « Les P'tits Doudous » qui vient en aide aux enfants hospitalisés.
Celui qui a fini onzième du dernier Vendée Globe, n'a pas vraiment eu le tps de se reposer et a été contraint de rebondir rapidement après la compétition. Son bateau « L'Occitane » victime de nombreuses avaries durant la course autour du monde en solitaire, a en effet été mis en vente peu de temps après l'arrivée du navigateur aux Sables d'Olonne. Désireux de porter un projet qui a du sens, entre solidarité et quête de développement durable, le navigateur est aujourd'hui à la recherche de sponsors, prêts à le suivre dans sa nouvelle aventure.

Avant de parler précisément de votre projet, petit retour sur la dernière édition du Vendée Globe. C’était sur votre bateau L’Occitane à l’époque, vous aviez passé la ligne d’arrivée en 11e position après plus de 84 jours en mer. Au départ, ce n’était pas vraiment ce que vous envisagiez même si les différentes avaries vous ont fait craindre le pire ?

Oui, mais je crois que, de toute façon, quand on embarque sur une telle course autour du monde en solitaire, on ne sait pas à quoi s’attendre. Alors, on essaie de se préparer pour le meilleur et pour le pire. Cela étant, la course au large nous réserve toujours plein de surprises, comme dans la vie d’ailleurs. Donc voilà, il faut savoir faire face à cet imprévu, se préparer à l’imprévu, voilà. Boucler ce tour était déjà une belle récompense.

Autre imprévu, même si vous le pressentiez à l’issue de la compétition. Alors que vous étiez à ce moment-là, on imagine dans un grand état de fatigue, vous avez appris que le propriétaire de L’Occitane avait décidé de vendre votre bateau. Comment est-ce que vous avez vécu cette période ?

Ça fait partie aussi du jeu, de nos projets. On sait que ce sont des projets qui sont toujours soumis à différents aléas. L’Occitane a décidé de continuer sa route parce que le Vendée Globe restait une course encore très franco-française malgré sa volonté de s’internationaliser. Donc, à moi de reconstruire et de repartir vers de nouveaux projets.

Aujourd’hui, est-ce que vous avez trouvé de nouveaux sponsors ? C’est en cours ?

Oui, c’est en cours. On a déjà bien avancé, en fait, et monté des choses avec une association que je supporte et qui s’appelle « Les P'tits Doudous ». On rallie des partenaires autour de cette cause. Notre souhait, effectivement, c’est de porter ce message sur le prochain Vendée Globe avec l’appui de différentes entreprises qui soutiennent déjà la cause et avec d’autres entreprises qui vont venir nous rejoindre.

Pouvez-vous nous présenter en quelques mots l’association « Les P'tits Doudous » ?

C’est une association de soignants qui à maintenant 10 ans. Il y a 108 associations dans les différents hôpitaux en France et dans les territoires d’outre-mer. Cette association a pour but de dédramatiser le passage au bloc opératoire des enfants par le jeu et par différents moyens. Pour, finalement, enlever de l’anxiété, enlever de l’angoisse et supprimer la prémédication. Cette association se finance par le recyclage, recyclage des métaux et de tous les déchets qui sont à usage unique, en fait, dans les blocs opératoires.

Porter haut, donc, les valeurs de cette association avec en plus un projet de bateau très particulier, un projet innovant. Pouvez-vous nous en parler un peu plus ? Il s’agit d’un bateau qui sera construit à partir de matériaux recyclés ?

Ce n’est pas à partir de matériaux recyclés, il faut être vigilant sur les termes, puisqu’en fait, on va utiliser du carbone non-utilisé de l’industrie aéronautique via le Technocentre Airbus de Nantes. Cette fibre de carbone qui est vouée, en fait, à être jetée, en fin de validité, on va la réintroduire dans une boucle d’économie circulaire. Mais, on ne la transforme pas, elle est brute en tant que tel et on la réutilise pour construire le bateau. Donc, c’est 2,5 tonnes à 3 tonnes de carbone qu’on vient réutiliser pour construire le bateau de A à Z. On a calculé, avec des laboratoires de calcul, que cette économie va pouvoir diviser notre impact carbone par deux en évitant de jeter cette matière première, voilà. A ce carbone, vient s’ajouter aussi tout le titane qu’on va recycler aussi. Pour le coup, on le recycle puisque c’est le titane qui est utilisé dans tout ce qui est prothèses et appareils médicaux qui sont voués à être jetés. On va le recycler et le refondre pour ensuite en faire des pièces d’accastillages.

Est-ce qu’on peut dire que c’est un partenariat avec Airbus, en fait, ce projet ?

C’est un partenariat, effectivement, dans le sens où on échange depuis plusieurs mois sur la faisabilité de l’utilisation de cette fibre de carbone. Donc, ça se construit, il y a beaucoup d’échanges sur l’idée de la faisabilité et de la technicité de ces matériaux, voilà, de rentrer aussi dans le cadre de la Jauge IMOCA. Dans ce but-là, c’est, effectivement, un partenariat. Cela étant, il n’y a pas de partenariat financier en tant que tel.

Comment est venue, justement, cette idée-là ?

L’idée est venue, en fait, en débarquant du Vendée Globe. C'était de pouvoir repartir mais plutôt avec un projet qui avait aussi du sens. C’est-à-dire que devant l’immensité de ces océans, la beauté de cette nature, j’ai la volonté aussi de diminuer notre impact. On sait que notre industrie nautique, elle a aussi son impact négatif sur l’environnement, donc, on doit améliorer notre pratique. C’est né des échanges entre Nantes Métropole et le Technocentre Airbus de Nantes qui était aussi en réflexion sur l’évolution de leurs pratiques.

La construction de ce nouveau bateau débutera quand ?

La construction doit débuter en juin prochain pour pouvoir le mettre à l’eau en juin 2023.

Juin 2023, c’est-à-dire qu’il va un petit peu naviguer avant votre participation au Vendée Globe 2024 ?

Oui, il y aura quatre transatlantiques avant. Donc, il y a un peu plus d’un an pour se préparer, ce qui est un bon timing.

Il va être construit où précisément ?

Il va être construit à Vannes chez Multiplast qui est un chantier réputé, qui construit beaucoup de bateaux de course.

Vous « naviguez » donc actuellement entre Nantes et le Morbihan ? C’est ça votre quotidien ?

Oui, c’est exactement ça. Je vis à Nantes mais mon port d’attache est La Trinité-sur-Mer où actuellement je me prépare pour la prochaine Route du Rhum.

On voit de plus en plus cette quête pour le respect de l’environnement. Mais, pas au détriment de la performance ?

En fait, c’est tout l’enjeu. C’est vrai qu’il y a une vraie dualité entre être écologiquement plus engagé, plus responsable, et en même temps, s’inscrire dans une course avec une idée de performance. Puisque là, on part sur l’idée de faire un bateau compétitif et d’essayer d’aller accrocher des belles places. Donc, je n’y vais pas pour faire une balade autour du monde mais vraiment bien pour pouvoir être compétitif. Ce bateau qui va être dans les moules d’un bateau déjà existant, celui de Boris Herrmann va pouvoir lier compétition et performance écologique.

En attendant la mise à l’eau de ce nouveau bateau, quels sont vos objectifs personnels ? 

Déjà, c’est de réussir à le construire et réussir à ce que ce projet voit le jour. Actuellement, on n’a pas encore réuni le budget, donc, on est en quête, finalement, de partenaires, d’entreprises qui ont envie de lier cette performance écologique, cette cause aussi de l’association Les P’tits Doudous. C’est un projet qui a du sens et on voit bien qu’il y a une vraie dynamique collective autour de ce projet qui est assez chouette à voir. Ça, c’est le premier objectif, réussir à construire ce bateau. Ensuite, le deuxième objectif à très court terme, c’est de préparer la Route du Rhum et d’aller défendre mon titre sur cette course en Ocean Fifty.

Que peut-on vous souhaiter pour conclure ?

Le meilleur (rires) !

(Entretien retranscrit par Mikaël Le Gac)

Pour aller plus loin :
- La page Facebook d'Armel Tripon
- Le site internet de l'association Les P'tits Doudous