Congrès des maires de France : "les maires sont souvent trop seuls"

25 novembre 2022 à 15h35 par Denis LE BARS

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Solitude de l'élu, violences verbales ou physiques en hausse, budget en berne. Après deux ans de Covid les maires sont confrontés à un mandat difficile. Leur congrès national s'est tenu cette semaine à Paris.

55 % des maires ne souhaiteraient pas se représenter en 2026
55 % des maires ne souhaiteraient pas se représenter en 2026
Crédit : Pixabay

Philippe Chalopin maire de Baugé-en-Anjou est aussi Président de l'Association des Maires et Président de Communautés de Communes du Maine-et-Loire était présent cette semaine à Paris.

L'édile évoque notamment ces agressions dont ils sont de plus en plus souvent victimes.

 

Un sondage effectué auprès des maires de France dit que 55% des maires ne souhaitent pas se représenter à la fin de leur mandat en 2026. Pourquoi et d’où vient ce ras-le-bol ?

Les maires sont confrontés à des crises successives. On sort à peine du Covid, les deux premières années de mandat ont été des années Covid. 2022 et 2023 se présentaient un petit peu mieux, et là, on arrive sur une crise énergétique sans précédent. Donc il y a des décisions difficiles à prendre. Quand on est peut-être seul dans une équipe, c’est parfois un peu décourageant.

Ce que vous évoquez, ce sont les maires des communes rurales qui doivent gérer des problèmes tout seuls, en fait ?

Oui. Moi je suis maire d’une commune nouvelle. Donc je vois bien avec les maires délégués - s’ils avaient été seuls - leur incapacité, leur impossibilité de gérer des situations qui sont complexes. On a un budget de 30 millions d’euros et on voit bien que c’est compliqué mais on trouve des solutions parce qu’on a quand même des moyens financiers. Mais lorsque vous avez des problèmes mais que vous n’avez pas de moyens, c’est vite décourageant. Il faut peut-être penser à se regrouper parce que, tout seuls, on ne s’en sortira pas, en fait. Des communes de 1 000 ou 2 000 habitants, c’est compliqué de gérer des problématiques comme l’énergie, comme l’explosion du prix du gaz, de l’électricité, des problématiques d’alimentation qu’on va avoir dans certains secteurs. Ce sont des moments qui sont compliqués à gérer parce que ça génère du stress, ça génère de la tension et parfois de l’incompréhension de la part de nos concitoyens. Si c’est votre premier mandat, vous découvrez la montagne, vous êtes au pied de la montagne et vous vous dites que vous n’arriverez jamais au sommet, en fait.

A propos de cette incompréhension des citoyens, il se trouve qu’elle se transforme parfois en violence. C’est un sujet qui grandit chaque année ? C’est avéré ?

Oui, c’est avéré. Même si le maire est toujours cet élu de proximité, les gens, dans l’expression, ont du mal à faire la part des choses. Le maire ne décide pas tout seul, il décide avec un conseil et parfois il subit des décisions qui sont nationales et qu’il doit appliquer. On nous demande de trouver des solutions. En tant que maires, on est censés incarner l’intérêt général et on est confrontés à l’intérêt particulier. Par exemple, sur la crise énergétique, on prend des décisions mais les administrés ne sont pas toujours d’accord avec ces décisions. La difficulté, elle est là, c’est parfois compliqué.

Quand vous dites que c’est parfois compliqué, êtes-vous parfois confronté à des violences verbales ou physiques ?

Oui. Pas plus tard que la semaine dernière, j’avais une réunion publique demandée par des habitants sur quelques sujets, une personne s’est levée à un moment donné et est venue à ma rencontre avec un ton menaçant. Je lui ai alors expliqué que ce n’était pas comme cela qu’on traitait les sujets. On a tout de même réussi à traiter le sujet mais, oui, parfois ça va au-delà de la simple invective.

Le maire n’est plus respecté comme il y a quelques années ?

Oui, c’est ça. Derrière ça, il y aussi le problème des gens qui se déplacent de moins en moins pour voter, et ceux qui ne viennent pas voter ne sont pas les plus silencieux. On a le sentiment, en fait, qu’il y a parfois un désamour vis-à-vis du maire, et pourtant le maire est considéré comme l’élu le plus proche des administrés. On voit bien qu’aujourd’hui on est confrontés à des difficultés. Aujourd’hui, si vous faites une remarque à une personne qui jette un papier dans la rue, il faut y mettre les formes. Il y a un autre phénomène, c’est cette lassitude. Il y a énormément de démissions dans les conseils pour un oui ou pour un non. Ça fait deux ans qu’on est en place et il y a déjà des élections, il faut s’interroger.

(interview retranscrite par Mikaël Le Gac)