Coralie Dénoues : "Je n’ai jamais senti comme un frein le fait d’être une femme"

Publié : 8 mars 2022 à 6h10 par Fabienne Lacroix

InfosLes infos

Dans le cadre de la Journée Internationale des Droits des Femmes, entretien avec Coralie Dénoues, la plus jeune présidente d’un département français. Elle dirige depuis juillet dernier le département des Deux-Sèvres.

Coralie Dénoues, la Présidente du Département des Deux-Sèvres.
Coralie Dénoues, la Présidente du Département des Deux-Sèvres.
Crédit : V.PEGORARO/CD79

Tout est allé très vite pour Coralie Dénoues. Neuf ans après ses débuts en politique, elle devient en 2021 la première présidente du Conseil Départemental des Deux-Sèvres et donc la plus jeune présidente de département officiant en France. C’est la passion qui anime cette mère de famille de 37 ans, qui n’avait rien calculé.

 

Vous avez été élue l’an dernier présidente du Conseil Départemental des Deux-Sèvres. Quel a été votre parcours pour en arriver là ?

J’ai commencé la politique en 2012, de manière assez étonnante et imprévue, en étant suppléante aux législatives alors que je n’étais pas encartée. J’avais juste fait une réunion publique en tant que militante et j’ai attrapé le virus de la politique locale, au sens noble du terme.

En 2014, Elisabeth Morin-Chartier me demande de représenter les Deux-Sèvres pour les élections européennes. Un an après, je deviens conseillère départementale avant d’être élue en juillet dernier à la tête du département, élection qui n’était pas non plus prévue de longue date.

 

À 37 ans, vous êtes la benjamine de l’assemblée départementale, et la plus jeune femme présidente de département de toute l’histoire de France. Comment le vivez-vous ?

Je ne m’en rends absolument pas compte. Je n’ai pas l’impression d’être jeune pour cette fonction. En revanche, c’est une évidence : je ne me suis jamais sentie aussi à ma place que depuis que je suis présidente du département des Deux-Sèvres. Et rien n’est une contrainte.

 

Faites-vous tout par plaisir, par conviction ?

Oui, et il vaut mieux parce que je ne tiendrais pas physiquement si je n’étais pas passionnée par ce que je fais. Ces rencontres, c’est exaltant, passionnant, d’une richesse intellectuelle incroyable.

C’est vrai que certains dimanches matins, il faut se lever, s’habiller, se maquiller et le moment du départ est difficile. Mais, quand on y est, on sait qu’on est là pour de bonnes choses, on rencontre des gens passionnants. Je trouve que les Deux-Sèvriens sont bienveillants avec moi.

 

Le fait d’être une femme et d’avoir du pouvoir ne vous a jamais porté préjudice ?

Non. Je n’ai jamais senti comme un frein le fait d’être une femme. Je viens d’un monde très masculin, voire "macho". J’ai toujours navigué dans ces milieux d’hommes.

Quand j’ai demandé à un membre de mon équipe si le fait d’être une femme pouvait expliquer cette façon différente de présider le conseil départemental, il m’a répondu : "Non, c’est plutôt lié au fait que vous soyez entrepreneuse" (Coralie Dénoues a notamment géré l’entreprise familiale à la Boissière en Gâtine, avant de créer l’association « Entreprendre au féminin », ndlr).

 

Comment conciliez-vous vie professionnelle, très chargée, et vie familiale ?

Si j’arrive à autant m’investir dans la fonction de présidente, c’est aussi grâce au fait que j’ai une famille qui est très compréhensive, et qui partage cette passion avec moi. Mes proches sont hors du milieu politique mais ce sont mes racines, et ils me permettent de garder les pieds sur terre, même s’ils ne s’en rendent pas compte.

Mon fils de 15 ans est à l’internat, donc forcément la semaine est libre de toute contrainte et de toute charge mentale. Je l’avoue, ce serait impossible de tenir ce rythme si j’avais des enfants à la maison. Les femmes, les mères de famille ne sont pas des "super women". Le week-end, j’essaie de conjuguer mais je fais très attention à profiter de ma famille, même si parfois je préfèrerais me reposer.

 

Est-ce facile de concilier des deux ?

Pour mon fils, j’exerce cette fonction comme j’exercerai n’importe quel métier. Il n’y a pas de différence de statut, la notion de pouvoir est complètement absente du cercle familial. C’est un travail, une passion, mais je crois qu’on ne se rend absolument pas compte de ce que ça peut représenter pour les autres. Nous, on continue à avoir une vie normale, simple, on va faire un tour à pied le dimanche, à aller saluer les voisins.

Le temps qu’on passe ensemble est court mais privilégié.

 

Aspirez-vous à d’autres mandats électoraux ?

Si j’en suis là, c’est que je n’ai jamais rien prévu. Je fais pleinement les choses au moment où j’y suis, je ne calcule pas, je crois que c’est ça qui me réussit. Je suis passionnée, je fais les choses parce que je les aime, et après, advient ce qui doit advenir.

J’ai aussi eu beaucoup de chance, j’ai rencontré des gens extraordinaires qui m’ont appris beaucoup de choses, mais à chaque fois ça m’arrive plus par hasard que parce que je l’ai provoqué. Quand j’ai été désignée porte-parole à l’ADF, l’Assemblée des Départements de France, j’ai intégré directement le comité exécutif alors que d’habitude il faut deux ou trois mandats avant d’y parvenir. Le président est venu me chercher tout de suite après une discussion téléphonique. À chaque fois on vient me chercher et comme j’adore les challenges, et apprendre encore plein de choses, j’y vais avec passion.

Après, il y aura des temps plus compliqués, des décisions difficiles à prendre, mais elles seront toujours motivées dans le seul objectif du département. En attendant, les concitoyens sont très gentils avec moi. Quand on remet l’Humain et la proximité au cœur de cette politique locale, ça permet de désamorcer beaucoup de problèmes.

 

« Ce qui ne vous détruit pas vous rend plus fort », cette devise signée Nietzsche figure sur votre page Facebook. Pourquoi ?

On peut toujours se relever, et on se relève toujours plus fort quand on a le courage de se remettre en question. Je ne ferai pas que des choses bien. En revanche, je souhaite toujours respecter les gens et m’expliquer en cas de conflit.

Quand quelque chose s’est mal passé, je cherche toujours à comprendre pourquoi parce que je ne veux pas que ça se reproduise, et parce que c’est comme ça qu’on arrive à se relever et à grandir. C’est un adage qui dirige ma vie.