Dans le Marais poitevin, l’eau est au cœur des inquiétudes
22 octobre 2022 à 6h00 par Morgan Juvin
Dans la plaine aux terres ocres de Sainte-Soline, en Deux-Sèvres, autour d'une parcelle solidement grillagée, des gendarmes mobiles accourent dès que l'on s'approche du chantier de la réserve d'eau.
Destinée à l'irrigation agricole, celle-ci est au cœur d'une bataille pour l'accès à l'eau dans le Marais poitevin.
C'est la deuxième lancée dans un projet de 16 réserves de substitution, élaboré par un groupement de 400 agriculteurs réunis dans la Coop de l'eau, pour "baisser de 70% les prélèvements" en été. Soutenu par l'État, il coûterait au minimum 60 millions d'euros, financé à 70% par des subventions publiques.
"Sans arrosage, on ne tiendra pas longtemps", craint Ludovic Vassaux, exploitant en polyculture-élevage bio et vente directe à Épannes, dans l'ouest du département.
Après des restrictions d'irrigation dès le printemps puis une sécheresse estivale "jamais vue", l'agriculteur de 43 ans a perdu 30% de sa production (principalement lentilles, tournesol, blé, luzerne).
Ce titulaire d'un BTS environnement, qui a songé à se reconvertir comme professeur de biologie afin d'avoir "un salaire garanti", attend désormais d'être relié à une réserve pour s'assurer un revenu minimal.
Un sujet sensible
Ces cratères à ciel ouvert, recouverts d'une immense bâche en plastique, pompent l'eau des nappes phréatiques superficielles l'hiver pour en stocker jusqu'à 650.000 m3 (soit 260 piscines olympiques), avant de la restituer pour l'irrigation l'été, quand les précipitations se raréfient.
Selon l'unique rapport scientifique disponible, publié par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), le projet pourrait, par rapport à la période 2000-2011, augmenter "de 5% à 6%" le débit des cours d'eau l'été, contre une baisse de 1% l'hiver.
Le collectif "Bassines Non Merci", qui rassemble une cinquantaine d'associations environnementales, d'organisations syndicales et de groupes anticapitalistes, dénonce en revanche un "accaparement de l'eau" destiné à "l'agro-industrie".
Les 29 et 30 octobre, ces opposants prévoient de "converger par milliers" pour "mettre fin" au chantier de Sainte-Soline et empêcher un "bassinage général" du pays, selon leur porte-parole Julien Le Guet. Non déclaré à ce stade, ce rassemblement reste surveillé de près par les autorités locales.
Depuis 2020, de précédentes manifestations soutenues par LFI, EELV, la CGT, ou la LPO, parfois émaillées d'incidents, ont rassemblé jusqu'à 5.000 personnes dans les plaines de Mauzé-le-Mignon où la première retenue fonctionne aujourd'hui.
En Vendée, la construction de 25 retenues similaires depuis 2006 "a permis de faire remonter significativement le niveau de la nappe" mais sans empêcher le dépassement fréquent des seuils d'alerte, notait l'Agence de l'eau Loire-Bretagne dans une étude de 2021.
A Poitiers, l’association ASPECT et la Confédération paysanne appellent à manifester ce samedi en début d’après-midi devant la préfecture de la Vienne, Place Aristide Briand. Une manifestation "pour la défense et la protection de la ressource en eau" a déclaré les deux collectifs.
Le boulevard de Verdun, la rue Victor Hugo et la rue des Écossais seront fermés à la circulation de 13h jusqu’à la fin de la manifestation (environ vers 17h).
(avec AFP)