Drame du car de Rochefort : le chauffeur du camion condamné à cinq ans avec sursis
Publié : 5 mai 2022 à 15h46 par Arnaud Laurenti
Le jeune homme a fait un malaise à l'énoncé du jugement.
Le chauffeur d'un camion-benne dont l'oubli tragique avait provoqué la mort de six adolescents, le 11 février 2016 à Rochefort, en Charente-Maritime, dans une collision avec leur bus de transport scolaire, a été condamné jeudi à cinq ans de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de La Rochelle.
Le tribunal a prononcé une peine de cinq ans de prison "intégralement couverte par un sursis simple".
Il va en-deçà des réquisitions du parquet qui avait demandé le 29 mars, au dernier jour de ce procès pour "homicides et blessures involontaires", une peine de cinq ans d'emprisonnement assortie d'un sursis probatoire de trois ans à l'encontre du prévenu, Mathieu Saurel, aujourd'hui âgé de 29 ans.
Peu après l'énoncé du jugement, le jeune homme, diagnostiqué en stress post-traumatique et sous lourd traitement antidépresseurs, est tombé à terre, pris d'un malaise.
"Juger celui qui nous ressemble"
Au petit matin du 11 février 2016, il conduisait le camion-benne dont la ridelle gauche oubliée en position ouverte avait littéralement cisaillé dans toute sa longueur le car scolaire arrivant en sens inverse, tuant six passagers de 15 à 18 ans et en blessant grièvement deux autres.
À l'horizontale, cette ridelle, lourde paroi métallique amovible qui maintient le chargement, s'était comme transformée en lame géante sur la route, laissant après son passage, des corps sous des amas de tôles broyées, pour certains décapités. "Une vision d'horreur" racontera un témoin.
Dans ce drame, l'un des plus graves accidents de transport d'enfants en France depuis celui de Beaune en 1982 (53 morts dont 44 enfants), la seule "erreur humaine" du conducteur du camion est en cause, avait souligné le ministère public.
"Il est le responsable d'un accident gravissime, il n'est pas meurtrier", avait insisté le procureur Clément Incerti, en demandant au tribunal de tenir compte de la personnalité du prévenu, un garçon "sain", décrit comme bon professionnel de la société de BTP Eiffage.
"Nous sommes au royaume de l'injuste, on juge un délit involontaire, plus dure est la tâche de juger celui qui nous ressemble", avait plaidé son défenseur Me Thierry Sagardoytho avant d'appeler le tribunal à "la nuance".
"Maudite ridelle"
Derrière un homme rongé par le remords, une quarantaine de parties civiles, jeunes rescapés et parents de victimes traumatisés, attendaient ce procès depuis six ans. Dans une salle comble, les 28 et 29 mars, ils ont livré le récit de leurs vies "détruites" depuis le choc improbable.
À la barre, le conducteur du camion, en larmes du début à la fin du procès, s'était dit incapable de se souvenir s'il avait remonté cette "maudite ridelle", avant d'admettre l'évidence, confronté aux témoignages et expertises et d'exprimer ses "profonds regrets". "Cette affaire me hantera toute ma vie comme les autres ici", avait-il dit.
Le jeune homme avait comparu seul, en l'absence de son ex-employeur Eiffage qui a bénéficié d'un non-lieu, la justice estimant qu'aucune "défaillance mécanique" du camion-benne et "aucun manquement" aux règles de sécurité ne pouvaient lui être reprochés.
À l'époque, aucune norme n'imposait aux camions-bennes d'être équipés d'alarmes sonore et visuelle qui auraient prévenu le conducteur. La législation a depuis été renforcée en 2020.
(avec AFP)