Guide Michelin - Nicolas Carro : "Gagner une étoile est une chose, la conserver en est une autre. Il faut être bon tous les jours"
Publié : 22 mars 2022 à 11h17 par Marie Piriou
Jour J pour la proclamation du palmarès 2022 du Guide Michelin. Dans le Finistère, Nicolas Carro le chef de l’Hôtel-Restaurant de Carantec possède déjà une étoile. Il espère en décrocher une deuxième mais pas n’importe laquelle. Nous l’avons rencontré.
Dans quelques heures le palmarès 2022 du Guide Michelin sera dévoilé. La cérémonie, attendue par de nombreux chefs français, se déroulera ce mardi après-midi, à Cognac, à partir de 16h30. Nous avons rencontré Nicolas Carro, chef étoilé breton de l’Hôtel-Restaurant de Carantec (29). Il nous livre son état d’esprit et ses objectifs. Entretien.
Le Guide Michelin dévoilera cet après-midi son palmarès 2022. Comment vous sentez-vous à quelques heures de cette échéance ? Quel est votre état d’esprit aujourd’hui ?
On attend forcément avec impatience ce palmarès. En tout cas, cette année, il n’y a aucune rumeur, rien qui sort. Et puis un petit peu de stress parce qu’on cherche toujours à aller plus loin pour satisfaire encore plus nos clients. Aujourd’hui, rien n’est sûr, on rejoue notre étoile un peu tous les jours, rien n’est acquis. Il faut satisfaire le Guide Michelin mais satisfaire avant tout nos clients. Cela étant, c’est du plus si on a une récompense, on sera content. C’est surtout un atout pour les équipes parce que cela montre le travail qui est mis en avant. On ne dit jamais non à une récompense.
Tout juste quatre mois après votre installation, vous aviez reçu votre première étoile. Est-ce que c’est quelque chose auquel vous vous attendiez à ce moment-là ?
Non c’était vraiment la grande surprise. Je ne l’espérais pas car après quatre mois, cela me semblait impossible. Je savais que le Guide Michelin était passé contrôler. C’était une reprise, la suite de Patrick Jeffroy, qui est quand même une personne iconique depuis 20 ans et qui avait deux étoiles… Donc, pour moi, c’était une grosse pression de reprendre une institution comme l’Hôtel-Restaurant de Carantec, vraiment. On a tout mis en œuvre pour, forcément, aller chercher une étoile. Et là, c’était la consécration d’avoir sa première étoile, la mienne, aller chercher mon étoile, ma première étoile de carrière.
Qu’a changé cette première étoile depuis ?
Cette première étoile a dynamisé l’établissement. C’est aussi une fierté, une fierté d’équipe parce qu’aujourd’hui je ne suis pas seul. C’est une satisfaction, c’est un plaisir. On est honoré que le Guide Michelin nous suive parce que c’est une marque de confiance aussi et ça montre de l’intégrité pour nos clients aussi.
Quelles sont vos attentes cette année ? Espérez-vous une deuxième étoile ou une autre distinction ?
Depuis deux ans, on mène un gros travail sur l’écoresponsabilité de l’établissement. Une deuxième étoile serait un peu prématurée, je pense qu’il ne faut pas brûler les étapes, je n’ai que 33 ans. Il y a une belle distinction qui nous attire, c’est l’Etoile Verte. Parce qu’on a vraiment tout mis en place afin de l’obtenir, on est quand même locavores à 35 kilomètres, on recycle tous nos déchets, les clients repartent avec leur compost bio maintenant, on n’a plus de polystyrène qui rentre, on est en économie circulaire… L’Etoile Verte, c’est cette économie circulaire, le respect de la nature, le respect du local, le respect de l’intégrité et imprimer une marque nature dans notre cuisine, en fait. On sera content si on la reçoit aujourd’hui.
Craignez-vous de perdre votre étoile ou de ne pas recevoir cette étoile verte ?
On n’est à l’abri de rien. Aujourd’hui, il faut savoir être régulier. C’est terminé le temps où l’on garde des étoiles pendant 10 ou 15 ans. Le Guide Michelin est plus exigeant et il a raison. Ils effectuent un travail fabuleux et ils nous mettent en lumière. Forcément, on a toujours cette crainte de perdre l’étoile. Est-ce qu’on aura toujours notre page, notre encart… Voilà, il faut être déçu de rien, le but est d’avancer. Si on n’a pas d’Etoile Verte, on n’a pas d’Etoile Verte, il faudra relativiser. La priorité est et restera la satisfaction de nos clients.
L’enjeu est vraiment important ?
Oui. Aujourd’hui, j’ai une étoile, mais si je perds mon étoile ce soir, les clients vont se dire que je suis mauvais et que je n’ai pas su la garder. Donc, oui, ça génère une certaine pression. Cela étant, je pars du principe que si on la perd, c’est que c’est juste. Qu’on soit étoilé ou pas, il est important que le client profite et vive l’expérience. Gagner une étoile est une chose, la conserver en est une autre, il faut être bon tous les jours.
Vous êtes impatient de découvrir le nouveau palmarès ?
Oui, j’ai hâte. De savoir qui va prendre, qui va perdre aussi… Mais, surtout qui va prendre. C’est un petit peu le jeu chaque année, chacun fait un petit peu ses pronostics.
Est-ce que vous en savez davantage sur ce nouveau palmarès ?
Non, je le saurai comme tout le monde au dernier moment. Tout le monde cherche à faire des pronostics, mais là, cette année, il n’y a vraiment aucune information. Forcément, on sait qu’Arnaud Donckele ou Tom Meyer ont leur chance car ce sont des chefs qui excellent et qu’ils auront quelque chose. Gilles Pudlowski (critique gastronomique) annonçait hier matin une pluie d’étoiles sur la Bretagne. Mais il ne faut pas oublier qu’il y a des chefs bretons qui sont à Paris et qui méritent aussi d’aller plus loin. Pourquoi pas un deuxième étoilé…
Quel que soit le palmarès 2022, faut-il s’attendre à des nouveautés à l’Hôtel-Restaurant de Carantec ?
On n’attend pas le palmarès pour faire avancer les choses. On va rénover tout notre hôtel, parce que l’enjeu 2022-2023, pour nous, c’est l’hôtel. La première partie était le restaurant, on attache beaucoup d’importance sur l’hôtel, sur l’expérientiel total. Depuis la fin de l’année dernière, on a lancé les ateliers culinaires, des cours de cuisine en immersion. On axe beaucoup sur le travail du traiteur aussi, on fait beaucoup de traiteur à domicile. Donc, on est ouvert à toute proposition et on avance avec une équipe jeune et dynamique. Aujourd’hui, j’ai la chance inouïe de travailler avec 25 collaborateurs qui me suivent depuis le début, personne n’est parti, j’en suis content car mon équipe est le réacteur de mon établissement.
Entretien retranscrit par Mikaël Le Gac.