Le procès du balcon effondré à Angers démarre ce mercredi

Publié : 8 février 2022 à 16h37 par Nicolas Mézil

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Maçons, architectes et contrôleur technique s'expliquent, à partir de ce mercredi à la barre du tribunal correctionnel d'Angers, sur l'effondrement d'un balcon en 2016 qui avait provoqué la mort de quatre étudiants.

Le Palais de Justice d'Angers
Le procès du balcon effondré se tiendra pendant plus de trois semaines devant le tribunal d'Angers
Crédit : Archives

C’est le début d’un procès hors norme ce mercredi au tribunal correctionnel d’Angers. Cinq prévenus, 28 avocats, dont huit pour la défense, et 83 parties civiles, pour un procès de trois semaines et demie.

Cette soirée du 15 octobre 2016, au 4ème étage de la résidence "Le Surcouf", dans le centre-ville d'Angers, aurait dû rester une pendaison de crémaillère comme les autres. Amis de tennis ou de fac, ils étaient dix-huit, âgés d'une vingtaine d'années, à fumer et discuter sur ce balcon, lorsque, soudainement, celui-ci a basculé dans le vide.

Dans sa chute de plus de 8 mètres, l'énorme bloc de béton entraîne les deux balcons des étages inférieurs, puis termine sa chute dans la cour intérieure, en un amas de béton de près de 2 mètres de haut.

Dans les décombres, les pompiers découvrent les corps de Lou, 18 ans, Antoine, 21 ans, Benjamin, 23 ans, et Baptiste, 25 ans. Les quatorze autres victimes sont hospitalisées pour des blessures multiples.

Alors que le drame provoque une onde de choc dans la cité angevine, l'enquête s'oriente très vite vers les défauts de construction du balcon, qui aurait dû être en mesure de supporter 35 personnes. Car les victimes, selon tous les témoignages, faisaient la fête calmement, sans aucun comportement de nature à provoquer un effondrement.

Parmi les blessés, un ancien locataire de l'appartement avait d'ailleurs écrit dans son état des lieux d'entrée, en février 2015 : "balcon fissuré et très instable : danger ???". Le balcon vibrait "lorsqu'on bougeait un peu trop dessus", expliquera-t-il aux enquêteurs.

De nombreuses malfaçons sur l’immeuble

L'expertise judiciaire s'avérera particulièrement sévère. De nombreuses malfaçons lors de la construction de l'immeuble en 1997-1998 ont été relevées : mauvaise position des aciers porteurs ayant créé une faiblesse grave de la structure, reprise de bétonnage non conforme, système d'évacuation des eaux non réalisé, béton de mauvaise qualité, etc.

Surtout, les dalles des balcons, qui devaient être préfabriquées, ont finalement été coulées sur place, sans que de nouveaux plans soient réalisés.

"Un cumul de négligences incroyable", résume Marc Morin, avocat des parties civiles. "C'est le procès des constructeurs qui travaillent à l'économie, au détriment de la sécurité."

Si l'existence de malfaçons ne fait pas de doute, rares sont les prévenus qui en assument la responsabilité. "La plupart sont dans une défense très technique, on les sent assez peu dans le regret", décrit Louis-René Penneau, avocat des parties civiles.

Durant l'instruction, seul le conducteur de travaux, 53 ans, a reconnu sa responsabilité, en expliquant que le changement de mode de construction des balcons avait été décidé pour permettre un gain de temps de 14 semaines sur le chantier.

"Un intérêt économique"

"Il y avait un intérêt purement économique pour ces entreprises qui n'ont pensé qu'à leur bénéfice", assène Laurence Couvreux, avocate des parties civiles.

Une version contestée par la défense de Patrick Bonnel, 72 ans, dirigeant de l'entreprise de gros œuvre, qui récuse tout "calcul économique cynique qui aurait consisté à délibérément faire des choix de la moindre qualité au risque de la sécurité des gens", assure Me Pascal Rouiller.

L'entreprise familiale Bonnel et Cie travaillait sur 50 à 60 chantiers par mois à l'époque des faits.

"Si on veut imaginer un grand responsable de ce drame, on ne le trouvera pas", affirme Me Rouiller qui évoque des "causes pluri-factorielles" à cet accident. "M. Bonnel est abattu, totalement anéanti depuis la révélation du drame", ajoute l'avocat.

L'architecte Frédéric Rolland, 66 ans, est lui poursuivi pour son contrôle déficient du chantier en sa qualité de maître d'œuvre, à une époque où il était occupé par la création d'un cabinet à Shanghai. "Il n'est pas intervenu personnellement dans le projet du Surcouf", assure son avocat Patrick Descamps, qui conteste toute "responsabilité pénale personnelle".

Le chef de chantier, 63 ans et le représentant du bureau de vérification Apave, 84 ans, devront également s'expliquer devant le tribunal. "Tous les prévenus ont une part de responsabilité. Ils ont joué avec la vie des jeunes", estime Maître Couvreux.

Le procès doit durer jusqu'au 4 mars.

 

(Avec AFP)