"Mon loulou ne fait rien, à part le pinard" : la charge mentale invisible des femmes à Noël

22 décembre 2023 à 13h03 par Marie Piriou

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Une belle tablée, un bon repas, une ambiance joyeuse, des cadeaux surprenants : c'est sur les femmes que reposent en grande partie les préparatifs et la charge mentale de réussir les fêtes de fin d'année, illustration de l'inégalité de la répartition des tâches dans le couple.

Les femmes disent dresser la table de réveillon (76%) selon ce sondage.
Les femmes disent dresser la table de réveillon (76%) selon ce sondage.
Crédit : Illustration | Envato

62% des Francaises déclarent en faire plus que leur conjoint dans l'organisation des fêtes de Noël, dont 37% "beaucoup plus", selon un sondage Ifop qui porte sur les préparatifs des célébrations de fin d'année.

"Noël est une fête importante pour moi et je suis très organisée pour être détendue le jour J, pour que ce soit réussi", témoigne Florence, 58 ans. "Ça commence en novembre pour les cadeaux. La bouffe, c'est en décembre. Les étrennes, les parents âgés, le rangement : le marathon se termine le 25 décembre dans mon lit. Mon loulou ne fait rien, à part le pinard".

Les femmes disent décorer le sapin (57%), dresser la table de réveillon (76%), cuisiner le plat principal (63%), selon ce sondage réalisé auprès de 1.500 personnes il y a un an, en décembre 2022. Tâches majoritairement masculines : l'ouverture des fruits de mer à 54% et le choix des boissons à 40%.

 

"J'en ai ras le bonnet du Père Noël"

"Ces tâches d'exécution sont visibles, elles ont un début et une fin. Le plus épuisant, c'est la charge mentale d'organiser tout, d'anticiper. Un travail invisible qui occupe l'esprit en permanence, qui l'empêche de vagabonder, de se reposer", explique Emma Clit, qui a popularisé le concept de charge mentale en 2017 dans une BD sur son blog emmaclit.com.

Ce sont souvent les femmes qui entretiennent les liens avec les parents vieillissants et la belle-famille, et qui se chargent aussi de trouver des cadeaux pour eux.

"Trouver les cadeaux représente un fort investissement mental quand on cherche ce qui peut plaire à une personne. L'homme ne se rend pas compte de cette charge mentale inégalitaire", explique le sociologue Jean-Claude Kaufmann.

"Entre les cadeaux, les courses à faire ici ou là, les menus, la maison à préparer pour 15 personnes, j'en ai ras le bonnet du Père Noël", se plaint Sophie, mère de quatre garçons.

 

Disputes fréquentes

Deux tiers des couples ont eu des désaccords sur l'organisation des fêtes de Noël, des disputes même fréquentes pour un tiers des personnes interrogées, selon le sondage Ifop.

"Traditionnellement il revient à la femme de maintenir une bonne ambiance dans la famille. Et certains hommes vont mal réagir aux reproches" afin que leur compagne cesse d'en faire, observe Emma Clit, autrice de "Des lignes et des cailloux" (éditions Massot).

"Tant qu'il ne les assume pas, le conjoint ne réalise pas le poids de ces tâches familiales et les conséquences si elles ne sont pas faites. La répartition des tâches ménagères sont la deuxième cause de séparation des couples, après l'infidélité", ajoute-t-elle.

 

"C'est bien commode pour les hommes"

Pour Jean-Claude Kaufmann, cette inégale répartition est "le résultat d'une longue histoire, d'une socialisation différente de celle des hommes, qui a poussé les femmes à ce qu'on appelle le "care" : prendre soin, des bébés, des vieillards, des malades, être au service des autres et attentives aux autres, au centre des réseaux relationnels familiaux".

"Ça ne se change pas facilement et c'est bien commode pour les hommes qui n'ont pas trop envie de s'investir là-dedans, de se "prendre la tête" pour ces "petites choses", estime-t-il.

Pour Emma Clit, pour éviter le burn-out, les femmes peuvent déléguer, devenir le "chef de projet de la famille", en distribuant les tâches autour d'elles.

On peut aussi aborder à deux la question de la répartition des tâches comme "un sujet sérieux et central dans le couple" et "amener l'autre à comprendre que ne pas aider, c'est un manque de respect de l'autre", conseille-t-elle.

 

(avec AFP)