Moscou rassemble ses troupes, la bataille pour Kiev se profile à l'horizon
Publié : 1er mars 2022 à 8h20 par Arnaud Laurenti
Des photos satellites montre un important convoi russe progressant vers Kiev.
Des photos satellites montrent mardi un convoi russe s'étirant sur des dizaines de kilomètres et progressant lentement vers la capitale ukrainienne : selon l'état-major ukrainien, Moscou regroupe ses forces en vue d'un assaut sur Kiev et d'autres grandes villes tandis que les mesures de rétorsion internationales contre la Russie continuaient de s'accumuler.
"Certains véhicules sont parfois très distants les uns des autres et, sur d'autres portions, les équipements militaires sont positionnés à deux ou trois de front", a indiqué dans la nuit de lundi à mardi la société américaine d'imagerie satellitaire Maxar, après la diffusion de plusieurs photos prises plus tôt depuis l'espace.
Le convoi "s'étend des abords de l'aéroport Antonov (à environ 25 km du centre de Kiev) au sud aux alentours de Prybirsk" au nord, a-t-elle ajouté.
Cet aéroport est, depuis le début de l'invasion de l'Ukraine par la Russie le 24 février, le théâtre de violents affrontements, l'armée de Vladimir Poutine tentant de s'emparer de cette infrastructure stratégique pour la prise de la capitale.
Attaque imminente ?
L'état-major de l'armée ukrainienne a affirmé mardi que les forces russes s'étaient regroupées au cours des dernières 24 heures, rassemblant des véhicules blindés et des armes d'artillerie "avant tout pour encercler et prendre le contrôle de Kiev et les autres grandes villes de l'Ukraine".
Selon deux sources interrogées lundi par l'AFP, l'une diplomatique et l'autre sécuritaire, Moscou s'apprête à lancer de manière imminente une nouvelle poussée militaire.
La principale colonne russe avançant vers Kiev "a progressé d'environ cinq kilomètres" lundi, a estimé un haut responsable de la défense américaine, la localisant à 25 km de Kiev.
Villes encerclées
Les défenseurs de la capitale, sous couvre-feu tout le weekend, ont érigé des barricades de fortune et ont reprogrammé des panneaux électroniques publics pour prévenir les Russes qu'ils seraient accueillis "par des balles".
Si les troupes russes paraissent se mettre en ordre de bataille pour tenter de nouveau de capturer Kiev, elles ne délaissent pas pour autant les autres grandes villes ukrainiennes.
Selon Igor Kolykhaïev, maire de Kherson (sud), l'armée russe a installé des postes de contrôle à toutes les entrées de sa ville. Mais, a-t-il assuré, "Kherson reste ukrainienne" et "va pouvoir résister".
Situation similaire à Kharkiv (nord-est) --où des tirs russes ont fait plusieurs morts parmi les civils, dont des enfants: le maire de la deuxième ville ukrainienne Igor Terekhov, cité par des médias ukrainiens, a raconté que des véhicules blindés et des chars russes étaient "partout près de la ville".
Selon la mission spéciale de l'OSCE, de multiples explosions ont retenti lundi dans et près de ces deux villes. Des immeubles résidentiels de plusieurs villes ont été ciblés faisant des blessés, d'après l'agence de presse Interfax-Ukraine.
Au total, les forces russes ont lancé 113 missiles tactiques depuis le début de l'invasion, a précisé lundi soir Valéri Zaloujny, chef des armées ukrainiennes.
Face au présage de combats d'ampleur pour le contrôle de Kiev, le président Volodymyr Zelensky a appelé la communauté internationale à "considérer une fermeture totale du ciel pour les missiles, avions et hélicoptères russes".
"Ce mal, armé de missiles, de bombes et d'artillerie, doit être stoppé immédiatement. Et détruit économiquement, pour montrer que l'humanité est capable de se défendre", a-t-il souligné mardi dans une vidéo publiée sur Facebook, appelant également à interdire la Russie de "tous les ports" et "aéroports du monde".
Pénalités tous azimuts
La communauté internationale multiplie les mesures de représailles envers la Russie, visant ses dirigeants jusqu'au sommet - dont Vladimir Poutine - ainsi que le monde des affaires, du sport, de la culture, etc. et assénant des coups de boutoir à son économie.
Et les Européens et leurs alliés sont prêts à prendre des sanctions supplémentaires, a fait savoir Paris, après une visioconférence entre dirigeants français, américain, britannique, canadien, allemand, italien, japonais, polonais et roumain, ainsi que des représentants de l'UE et de l'Otan.
De son côté, la Russie a émis ses conditions pour terminer cette guerre lors d'un échange lundi avec son homologue français Emmanuel Macron, le président en exercice de l'Union européenne : reconnaissance de la Crimée en tant que territoire russe, démilitarisation et "dénazification" de l'Ukraine.
Des délégations russe et ukrainienne se sont rencontrées lundi pour la première fois, au Bélarus. Elles sont reparties pour des "consultations dans leurs capitales" respectives, après avoir convenu vouloir une seconde session de pourparlers.
La présidence ukrainienne avait souligné en amont qu'elle réclamerait "un cessez-le-feu immédiat et le retrait des troupes (russes) du territoire ukrainien".
M. Zelensky a souligné mardi que ces pourparlers avaient eu "lieu sur fond de bombardements et de tirs visant notre territoire (...). La synchronisation des tirs avec le processus de négociations était évidente". Selon lui, l'Ukraine "n'a pas eu de résultat qu'elle aimerait avoir" à l'issue du premier round de discussion mais elle a évoqué ses "contre-propositions (...) pour mettre fin à la guerre".
Invasion "insensée"
"Les combats en Ukraine doivent cesser", a martelé Antonio Guterres, secrétaire général des Nations unies. "Trop c'est trop. Les soldats doivent retourner dans leurs casernes".
La Russie a subi lundi un déluge de condamnations à l'ONU lors d'une rare "session extraordinaire d'urgence" de l'Assemblée générale des 193 membres, dont plusieurs ont réclamé l'arrêt de l'invasion de l'Ukraine, jugée "insensée".
Vladimir Poutine avait franchi dimanche un nouveau cap dans la menace d'élargir le conflit, dont beaucoup redoutent qu'il ne devienne le plus grave en Europe depuis 1945, en mettant en "état spécial d'alerte" les forces nucléaires de la Russie, qui dispose du plus grand nombre d'ogives nucléaires, face aux "déclarations belliqueuses de l'Otan" et aux sanctions "illégitimes" contre son pays.
Les Etats-Unis ont toutefois affirmé lundi n'avoir détecté aucun changement "concret" dans la posture nucléaire russe.
Le conflit a jeté sur les routes des flots d'Ukrainiens, dont plus de 500 000 ont fui vers les pays voisins, a déclaré lundi le Haut-Commissaire de l'ONU pour les réfugiés. L'UE s'attend à plus de sept millions de personnes déplacées.
Le bilan humain reste incertain : l'ONU a parlé lundi de 102 civils tués et de 304 blessés mais les chiffres réels sont "considérablement" plus élevés.
L'Ukraine a fait état lundi de 352 civils tués et 2 040 blessés depuis jeudi et affirmé que des milliers de soldats russes avaient péri.
Les Russes n'ont fourni aucun chiffre.
Ambassade de France transférée
L'ambassade de France en Ukraine est déplacée de Kiev à Lviv, dans l'ouest du pays, du fait des "risques et des menaces" qui pèsent sur la capitale ukrainienne après l'invasion russe, a annoncé lundi le ministre français des Affaires étrangères français.
"Nous avons décidé, à la demande du président de la République, de transférer notre ambassade qui était jusqu'à présent à Kiev. En raison des risques et des menaces qui pèsent sur la capitale de l'Ukraine, l'ambassade est transférée à Lviv", a déclaré Jean-Yves Le Drian sur BFMTV.
Avant la France, les Etats-Unis, le Canada et Israël avaient notamment déjà opéré ce transfert vers Lviv.
"L'ambassadeur reste en Ukraine, pour être à la fois en soutien de nos ressortissants et des autorités ukrainiennes", a poursuivi le ministre, qui a évalué à "à peu près un millier" le nombre de Français encore présents sur le territoire ukrainien.
D'après une source diplomatique, ce chiffre est plus élevé qu'anticipé car plusieurs centaines d'entre eux ne s'étaient pas enregistrés avant la guerre lancée par la Russie.
(avec AFP)