Naufrage du Bugaled Breizh : 20 ans après, l'accident toujours inexpliqué

15 janvier 2024 à 9h31 par Joséphine Point avec AFP

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Le chalutier breton avait disparu en mer le 15 janvier 2004 avec 5 marins à bord.

Le Bugaled Breizh avait sombré en moins d'une minute au large de l'Angleterre le 15 janvier 2004.
Le Bugaled Breizh avait sombré en moins d'une minute au large de l'Angleterre le 15 janvier 2004.
Crédit : Wikimedia Commons | Anthonydela | CC 3.0

Accident de pêche ou accrochage avec un sous-marin ? Le naufrage du chalutier Bugaled Breizh, qui a coûté la vie à cinq marins bretons dans la Manche en 2004, reste inexpliqué 20 ans après le drame.

"On chavire, viens vite, on chavire, fais vite !" Il est 12h25 (13h25 heure française), ce 15 janvier 2004, lorsque l'appel de détresse du Bugaled Breizh retentit sur les ondes VHF, alors qu'il se trouve au sud du Cap Lizard, dans les eaux internationales entre la France et la Grande-Bretagne.

Les marins de l'Eridan, qui pêchent à quelques milles de leurs amis du Guilvinec (Finistère), se rendent immédiatement à son secours. À leur arrivée, seuls quelques débris et du gasoil flottent à la surface. Deux corps sont repêchés par les secouristes britanniques : ceux du capitaine Yves Gloaguen (44 ans) et du matelot Pascal Le Floch (49 ans). Un troisième corps, celui de Patrick Gloaguen (34 ans, second mécanicien), sera découvert dans l'épave. Georges Lemétayer (59 ans, chef mécanicien) et Éric Guillamet (41 ans, matelot) n'ont, eux, jamais été retrouvés.

 

De multiples pistes

Les enquêteurs privilégient dans un premier temps l'hypothèse d'une collision avec un navire de surface, dans cette zone de la Manche où transitent, chaque année, des dizaines de milliers de cargos, porte-conteneurs et autres vraquiers. L'un d'eux, le porte-conteneurs philippin "Seattle Trader", est poursuivi jusqu'en Chine, avant d'être finalement innocenté. Ce n'est qu'en juillet 2004, au moment du renflouement de l'épave, que cette thèse sera définitivement abandonnée, l'analyse de la coque permettant d'écarter l'éventualité d'un éperonnage.

Deux pistes resteront dès lors en course : un accident de pêche ou l'accrochage avec un sous-marin. La première est soutenue par le Bureau d'enquêtes sur les événements de la Mer (BEA Mer) qui, dans un rapport de novembre 2006, explique l'accident par l'enfouissement du chalut dans une couche de sédiments et de vases, de nature à créer un effet ventouse. Le navire aurait alors perdu sa stabilité, se couchant sur bâbord. Une série d'erreurs humaines et de non-respect de consignes de sécurité aurait aggravé la situation, faisant sombrer le bateau en deux à trois minutes. Cette thèse, qui "remettait en cause les compétences de l'équipage", a été rejetée d'emblée par les familles des victimes, se souvient Me Christian Bergot, qui en défendait quatre.

La piste sous-marine convainc, elle, davantage les marins et leurs proches. Car, très tôt, les experts judiciaires ont expliqué le naufrage par l'intervention d'une "force exogène", puis par "l'accrochage d'un sous-marin" avec le câble bâbord du chalut. Les eaux du sud du Cap Lizard sont en effet une zone d'exercices militaires britanniques, où se déroulait, le jour du naufrage, le "Thursday War" (la guerre du jeudi). Un autre exercice de l'Otan ("Aswex 04") devait également commencer le soir même.

Faute d'élément probant, les juges d'instruction concluent l'enquête, en mai 2014, sur un non-lieu, en n'écartant aucune des deux thèses. En novembre 2021, la justice britannique va plus loin, en se rangeant à la thèse de l'accident de pêche.

 

La vérité sera-t-elle connue un jour ?

"Les délais de prescription sont expirés. Même s'il y avait un élément nouveau, il y a fort peu de chances que la procédure soit rouverte", pointe Me Bergot. "Les familles que je représentais ont tourné la page. Il y a une grande résignation de leur part."

Seul Thierry Lemétayer, 56 ans, fils de Georges, veut encore y croire. "L'affaire continue. Le combat n'est pas inutile. Je suis presque persuadé de connaître la vérité de mon vivant", affirme-t-il.

Après 19 ans passés sur la base navale de Brest, l'épave du Bugaled a été démantelée au printemps 2023. Avec elle a disparu une des dernières pièces du dossier.

 

Bientôt une série TV sur l'affaire

Intitulée "37 secondes", du même nom que la BD de Pascal Bresson, la série sera réalisée par Laure de Butler pour la chaîne Arte. Le tournage se déroulera autour de Quimper et de Brest, entre le 27 février et le 29 mai 2024. Des figurants ont été recherchés pour les besoins du tournage.