Pédocriminalité dans l'Eglise : les Frères de Saint-Gabriel font "acte de reconnaissance"
Publié : 13 mai 2022 à 7h33 par Arnaud Laurenti
Ils ont reconnu des actes de pédocriminalité par des frères de la congrégation de 1950 à 1970.
C'est une première pour une congrégation religieuse catholique : les Frères de Saint-Gabriel (FSG) ont reconnu officiellement jeudi, en Vendée, devant des victimes, les actes de pédocriminalité commis par leurs membres et missionné un historien pour étudier ce passé douloureux, dans un objectif "mémoriel".
À Saint-Laurent-sur-Sèvre, en Vendée, berceau historique de la congrégation, le supérieur provincial (responsable) de France, Claude Marsaud, a lu un "acte de reconnaissance" en présence de 27 victimes, dont une partie a témoigné devant les religieux, a constaté un photographe de l'AFP.
"Nous, Frères de Saint-Gabriel, reconnaissons et dénonçons tous les actes de violences physiques, psychologiques, morales, sexuelles commis par des frères de Saint-Gabriel, dans l'exercice de leur métier d'éducateur, d'enseignant, d'animateur, de maître spirituel qu'ils ont utilisé à des fins personnelles comme un pouvoir et non comme un service et un don d'eux-mêmes", affirme ce texte, selon une copie transmise à l'AFP.
Au total, dans cette congrégation enseignante qui détachait des frères dans des écoles - en Vendée, Finistère, Maine-et-Loire, Loire-Atlantique -, un peu plus d'une vingtaine d'agresseurs (tous décédés) ont été identifiés, pour des faits s'étant déroulés de 1950 au milieu des années 1970 sur une cinquantaine de personnes, selon le coordinateur de cet événement, frère Christian Bizon, qui figure aussi parmi les victimes.
Le frère Gabriel Girard a agressé à lui seul au moins une vingtaine d'enfants, garçons et filles, entre 1965 et 1972 dans deux écoles, à Issé (Loire-Atlantique) et Loctudy (Finistère), selon la congrégation et les victimes.
Fait marquant : sa notice biographique a été déchirée puis l'une de ses victimes l'a brûlée publiquement.
Antoine Garapon, président de la Commission reconnaissance et réparation (CRR) mise en place à la suite de la publication à l'automne du rapport Sauvé sur l'ampleur de la pédocriminalité dans l'Eglise depuis les années 1950, était co-organisateur de cette rencontre. "Une grande première", selon lui. Un moment où victimes et congrégation se parlent "de groupe à groupe".
"Objectif mémoriel"
Alors que sa commission entend jouer le rôle de "tiers" entre instituts catholiques et victimes - pour lesquelles les faits sont très souvent prescrits -, l'objectif de M. Garapon est de multiplier ce type de journée. "Les victimes sont en attente de sens et d'une désapprobation morale de ce qui a été fait. Cette désapprobation est essentielle, elle s'apparente à un aveu collectif de la congrégation", dit-il à l'AFP.
"C'est une première étape, qui ensuite permettra de passer à la deuxième phase, la réparation", soulignait, en amont de cette journée, Luc Coirier, l'une des victimes, membre du "Groupe FSG-Collectif 85" qui s'est constitué ces tout derniers mois et rassemble désormais une quinzaine de personnes. Selon lui, la plupart d'entre elles "ont l'intention de demander une réparation financière."
Les Frères de Saint-Gabriel se sont engagés à "une juste réparation", dans un communiqué.
Pour aider au processus, la CRR a établi des questionnaires et des barèmes, qui vont de 5 000 à 60 000 euros maximum.
Les FSG vont par ailleurs financer une étude, menée par un historien de l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) sur les faits commis, "dans un objectif mémoriel".
Cette journée de reconnaissance est singulière, même si, en 2021, la Conférence des religieux et religieuses de France (qui représente environ 30.000 moines, moniales, frères et soeurs de l'Église) avait reconnu "la responsabilité collégiale (...) de l'ensemble de la vie religieuse" dans les violences sexuelles, en préalable à la décision de créer la CRR.
Dimanche, un autre acte de reconnaissance, sans lien avec cette congrégation, est organisé à Aire-sur-la-Lys (Pas-de-Calais), un moment préparé conjointement par l'évêque d'Arras et trois victimes d'un prêtre de cette commune.
Une autre reconnaissance publique avait eu lieu dans le diocèse de Luçon en Vendée en mars 2021, avec la pose d'une plaque dans la cathédrale.
(avec AFP)