Prison requise contre le numéro 2 de la PJ de Bordeaux pour complicité de trafic de drogue

8 novembre 2023 à 14h03 par Nicolas Mézil

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Deux ans de prison avec sursis ont été requis ce mardi 7 novembre contre le numéro deux de la police judiciaire de Bordeaux, jugé à Paris pour complicité de trafic de stupéfiants entre la Guyane et la métropole en vue de réaliser des saisies de cocaïne, et ainsi de faire du chiffre.

Justice
Le jugement est mis en délibéré au 20 décembre.
Crédit : Illustration Envato - DR

Politique du chiffre et guerre des service en toile de fond de ce procès qui s’est achevé ce mardi 7 novembre.

Le numéro 2 de la PJ bordelaise est accusé d’avoir facilité une importation de cocaïne pour ensuite la saisir et interpeller les trafiquants.

Le parquet a pointé du doigt le rôle "important" et "anormal" de Stéphane Lapeyre, ex-chef de la division opérationnelle (n°3) de l'Office des stups (Ocrtis, devenu Ofast) et de son subordonné Jocelyn Berret, dans le cadre d'une importation de cocaïne "chapeautée" en 2013, mais passée sous les radars des autorités judiciaires.

"Nous ne sommes pas dans une opération de livraison surveillée", a soutenu le procureur-adjoint Hervé Tétier, en référence à cette technique policière consistant à laisser passer de la drogue aux frontières pour démanteler, en aval, des réseaux de revente.

 

Un indic comme intermédiaire

Pour cette opération, les deux policiers avaient fait appel à un "indic", Lionel K. dit "Marc", chargé de convaincre un Guyanais tout juste sorti de prison, Jean-Michel L., de se rendre au Suriname pour acheter 14 kg de cocaïne à envoyer par fret aérien depuis Cayenne, jusqu'à l'aéroport parisien d'Orly. Sans que cela apparaisse nulle part en procédure.

A l'aller vers Cayenne, Jean-Michel L., porteur de grosses coupures dans son sac - près de 80 000 euros -, avait été informé qu'il n'avait "pas à s'inquiéter pour la douane" s'il passait par un portique précis, indiqué par "Marc". L'enquête n'a pas permis de savoir si l'argent provenait des trafiquants ou de "Marc", ni ce qu'il est réellement advenu de la marchandise une fois récupérée par Jean-Michel à Orly.

Après en avoir vendu une petite partie, Jean-Michel L. affirme avoir restitué la quasi-totalité de la cocaïne à "Marc", ce que ce dernier dément. Cet indicateur a toujours affirmé qu'il n'avait fait qu'obéir aux ordres. Les policiers ont, eux, dénoncé au procès un "manipulateur" ayant pris de nombreuses libertés sans les en informer.

 

Un "instinct de chasseur"

Au procès, le commissaire divisionnaire Stéphane Lapeyre, aujourd'hui en poste à Bordeaux, a concédé avoir "manqué de recul et de discernement" sur la gestion de cette opération. Il a évoqué cet "instinct de chasseur" qui animait l'Office des stups à l'époque, et qui a "peut-être un peu biaisé notre jugement".

Son avocat, Me Thibault de Montbrial, a fustigé un procès visant à "fracasser deux bons mecs de l'Ocrtis", et plaidé que son client, "moine-soldat" dévoué à sa mission, n'avait en aucun cas eu l'intention de commettre un délit. Me Anne-Laure Compoint a défendu Jocelyn Berret, "pas un ripoux mais un policier qui avait voulu faire son boulot coûte que coûte, même s'il a pu mal le faire".

Une amende douanière solidaire de près de 745 000 euros a été requise à l'encontre de cinq prévenus.

Le ministère public a demandé contre Jean-Michel L., en lien avec un réseau de trafiquants "déjà structuré", trois ans de prison dont deux avec sursis et contre "l'indic", "Marc", trois ans avec sursis assortis d'une amende de 30.000 euros.

Jugement le 20 décembre.

 

(avec AFP)