Une première en Anjou : le concert de Soprano décrit aux non-voyants

Lors des Vieilles Charrues cet été, des malentendants ont pu bénéficier du spectacle de Soprano. Deux spécialistes en langue des signes s’étaient relayées sur la scène du festival de Carhaix pour retranscrire les paroles et même la musique du spectacle du chanteur marseillais. Cette fois, l'opération s'adresse au non-voyants. Ils seront dix à en bénéficier. La Fondation Visio qui est basée près d'Angers à Bouchemaine a sollicité le spécialiste de l'audio description Morgan Renault, Angevin lui aussi. Entretien. 

Comment est née l’idée de ce concept inédit ?

Depuis toujours, il y a des non-voyants qui vont à des concerts, notamment à des concerts actuels où beaucoup de moyens sont mis en œuvre pour transformer tout ça en show, avec des scénographies, des grands écrans qui recouvrent les fonds de scène. On s’est dit qu’il y avait sûrement quelque chose à faire pour leur faire partager cet aspect-là des concerts actuels. L’idée est née comme ça, avec le concours de la Fondation Visio.

Pouvez-vous nous expliquer un peu le principe ?

Je vais, donc, être situé parmi mon public non-voyant, car on va être tous regroupés ensemble face à la scène, légèrement en surplomb pour que, moi, je puisse voir parfaitement ce qu’il se passe. Face à la scène aussi, parce que c’est souvent là que le son est le meilleur. Je vais avoir un micro très directif orienté, bien sûr, vers ma bouche afin qu’il n’y ait pas de débordements du son du concert. Le public non-voyant va être équipé de casques reliés à des émetteurs. On a fait des petits tests et tout se présente plutôt bien.

Qu’allez-vous décrire aux personnes non-voyantes pendant le concert de Soprano ?

J’ai eu accès à une captation d’un concert récent de Soprano pour commencer à m’inspirer. Ce que j’ai pu voir, c’est que la scénographie est très ambitieuse et très développée. Sa tournée s’appelle « Chasseur d’étoiles », donc, il y a toute une thématique autour de vaisseaux spatiaux qui viennent atterrir sur scène. C’est super, c’est assez grandiose. Il va, notamment, y avoir ça à décrire, tout cet aspect-là, ce monde spatial qui a été recréé pour une partie du concert. Je vais décrire toutes ces projections magnifiques qu’il y a sur les écrans immenses. Il y a aussi quatre danseurs sur scène, je vais donc décrire les chorégraphies, décrire les pas, comment ils sont habillés… Je vais également décrire les musiciens. Ce à quoi ressemble Soprano, lui-même. Une personne non-voyante qui va à un concert, parfois, ne sait même pas à quoi ressemble son artiste préféré. Donc ce sont ce genre de choses que je vais décrire pendant le concert.

A quels moments allez-vous leur décrire ce que vous voyez, sans altérer le déroulé du concert ?

Le défi, c’est bien sûr que je ne pollue pas les chansons de Soprano. Mon objectif, c’est de ne jamais parler pendant qu’il est en train de chanter. C’est pour ça que les captations que j’ai reçues m’ont été très utiles pour sentir, à peu près, quand sont les moments de silence. Il y a aussi, parfois, des moments purement musicaux sans paroles. Donc, ceux-là, je les ai un petit peu annoté. Toutes ces recherches-là, je les ai faites pour, en gros, pressentir les moments où je vais pouvoir m’exprimer. Et, bien sûr, jamais je ne dois parler sur ces chants.

Ce sera donc une première pour tout le monde, pour les personnes non-voyantes comme pour vous ?

Exactement ! J’ai intérêt à avoir un esprit affûté, plus que jamais, ce soir-là. Parce que, pour moi-même, ça va être une performance (rires). Il y a beaucoup de choses qui vont sortir sur le moment à l’instinct. Ce qui est assez compliqué parce que l’audiodescription, à la base, on le fait plutôt pour le cinéma sur des films. Donc ce sont des supports vidéo que j’ai devant moi, que je peux revisionner à ma volonté, les phrases je les fignoles... Là, ça va sortir plus à l’instinct sur le moment. Donc je vais marcher un peu sur des œufs mais ça devrait bien se passer.

(retranscription M. Le Gac)