Victoire Piteau, boxeuse aux deux vies professionnelles
Publié : 8 mars 2022 à 6h02 par Bastien Bougeard
La Saint-Mauroise Victoire Piteau est une des meilleures boxeuses professionnelles de l’Hexagone. 10 combats, 9 victoires, 2 titres de championne de France. Mais à l’inverse de certains de ses homologues masculins, elle ne peut vivre de son sport et occupe un deuxième métier en parallèle de sa carrière sportive.
Deux titres de championne de France professionnelle et peut-être un jour une ceinture européenne autour de la taille ? C’est en tout cas l’ambition de la boxeuse Victoire Piteau. À 22 ans, la boxeuse professionnelle de Saint-Maur (Indre) construit sa carrière sportive (10 combats pour 9 victoires), tout en ayant un métier à côté de sa vie sportive. Même si les progrès pour le développement du sport féminin sont réels, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Entretien.
"Il y a eu un élan pour la boxe féminine"
La boxe est un sport qui est connoté comme un "sport d’hommes". Pourtant, il y a eu des Françaises médaillées aux Jeux olympiques : Estelle Mossely et Sarah Ourahmoune à Rio en 2016. Comment vous le percevez ?
Depuis leurs médailles aux Jeux olympiques, il y a eu un élan pour la pratique féminine du sport. Elles ont fait un travail pour mettre en avant la femme et ça se ressent encore aujourd’hui. Dans ses publications sur les réseaux sociaux, Sarah Ourahmoune, aujourd’hui retraitée des rings, continue de se battre pour mettre en avant les femmes et c’est bien de sa part.
Est-ce qu’il y a eu plus de pratiquantes depuis l’éclosion de ces deux championnes ?
Dans ma salle, oui. Il y a eu un élan pour la boxe féminine, de plus en plus de pratiquantes sont venues prendre leur licence, notamment depuis les Jeux Olympiques et c’est une bonne nouvelle.
Vous concernant, vous êtes boxeuse professionnelle. Pourtant, vous avez un métier en dehors de votre vie sportive ?
Tout à fait. Je suis accompagnatrice socio-éducative, je m’occupe de jeunes en décrochage scolaire. J’interviens dans le cadre du programme "La promo 16-18" sur le site de l’Afpa (Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes) à Châteauroux, dans le quartier Vaugirard.
"Si je m'arrête de travailler, je ne peux plus vivre"
Donc en fait vous menez deux vies professionnelles, une à l’Afpa et une autre en tant que boxeuse. Comment vous vous en sortez ?
Je ne vais pas dire que c’est facile. Il faut une véritable organisation. Je dois trouver les bons horaires pour m’entraîner. Quand je prépare un combat important, il faut que je trouve le temps de programmer deux entraînements par jour. Il faut aussi avoir une très bonne hygiène de vie.
Pourtant, des boxeurs comme Tony Yoka parviennent à vivre de la boxe. C’est-à-dire que pour vous, les sommes que l’on vous verse ne sont pas suffisantes pour vivre ?
C’est complétement ça. Parfois quand je parle avec des proches, je leur dis la somme que je touche pour un combat. Ils me répondent : "c’est pas mal". Mais si je m’arrête de travailler, ce cachet-là, il n’est pas suffisant pour vivre. Mais après il faut relativiser : c’est aussi le cas pour de nombreux boxeurs et boxeuses.
Pour ce qui est de la médiatisation aussi, il y a des différences. Les grands combats des hommes sont diffusés sur les chaînes télé spécialisées dans le sport. Mais pour vous, nous ne pouvons vous suivre que par les médias locaux. Il y a quand même une grande différence entre hommes et femmes ?
C’est vrai, je pense que certaines personnes ont encore un peu de mal avec ça. Mais il y a plein de compétitions féminines qui ne sont pas médiatisées. Et pas que la boxe ! Regardons par exemple le cyclisme : est-ce que tout le monde est au courant qu’il va y avoir un Tour de France féminin ? Je pense qu’il y en a peu.
J’espère que ça va changer avec le temps. Alors oui, les gens sont prêts à changer leur regard, mais il y a encore des personnes qui ont du mal à évoluer sur la question.